Si les enfants votaient

Si les enfants votaient

De Lyes Louffok et Sophie Blandinières, aux éditions Harper Collins                                    .          

Lyes LOUFFOK est un (jeune pour son âge, mais expérimenté par son ancienneté dans le militantisme)  militant des droits des enfants. Son histoire le pousse plus particulièrement à faire entendre la voix des enfants placés. Je l’ai découvert lors d’une interview réalisée avec la créatrice du collectif enfantiste. Ses arguments, sa posture m’ont donné envie de le découvrir un peu plus. Je me dis donc tournée vers son ouvrage. Les propos de Lyes Louffok y sont soutenus par la complicité et la plume de Sophie Blandinière.

Dans ce livre, il milite pour les droits des enfants de manière très terre à terre c’est-à-dire avec des propositions concrètes pour améliorer les conditions des enfants placés. Son ouvrage fourmille de constats, d’arguments, et de propositions. Il me semble impossible pour moi d’en faire un résumer fidèle. Voici les propositions que je retiens :

  • Améliorer les conditions de travail des travailleurs sociaux en fixant un taux d’encadrement et en augmentant leur salaire de 300 euros. L’auteur explique que dans les années 1970, un débutant gagnait 2.5 fois le SMIC, contre le SMIC + 100 euros actuellement.  
  • Consulter les enfants placés pour prendre des décisions qui les concernent et limiter ainsi l’instabilité dans leur parcours, et notamment les changements arbitraires de lieux de placement. J’aime beaucoup cette phrase de l’auteur qui m’a marquée : « le propre d’un enfant placé est d’être déplacé ».
  • Interdire formellement les placements d’enfants en hôtel. Je cite ce passage que je trouve éclairant : « Comment s’organiser, se discipliner, assurer ses repas, se motiver tout seul pour aller à l’école ? Si les parents – ou le système censé les suppléer- existent, n’est-ce pas précisément pour aider un petit à vivre, se laver, faire ses devoirs, se distraire ? Comment peut-il, l’enfant de l’ASE, auquel les parents n’ont pas pu montrer les gestes quotidiens, les petits-déjeuners, déjeuners et diners, le soin et la discipline, l’amour et le cadre, se débrouiller seul ? Parmi d’autres malheureux comme lui, des mineurs rangés sur le côté, à l’hôtel, et des adultes dans la merde, exclus, ivrognes, camés, prostitués. Dans des lieux d’hébergement indignes, où les punaises de lit, les cafards, les souris perturbent le sommeil, où la poussière empêche de respirer et l’état des sanitaires dissuade de se laver. » (p 128) Cette proposition va avec la suivante : débloquer un budget d’urgence pour créer de nouvelles places.
  • Généraliser les placements en famille d’accueil. Lyes Louffok dénonce les dommages physique et psychologiques liés aux placements. « Des études ont largement démontré l’effet nuisible du placement en institution sur la croissance et le développement des enfants de tous âge. En effet, les enfants de moins de trois ans en particulier, courent le risque de souffrir de dommages irréversibles dans leur développement physique et mental. »
  • L’auteur milite pour que les prises en charge des enfants placés s’effectuent jusqu’à leurs 25 ans, qui correspond à l’âge moyen auquel un jeune quitte le toit de ses parents. La fin de prise en charge devrait être accompagnée par un éducateur dédié à l’apprentissage vers l’autonomie.
  • Créer une instance nationale indépendante de contrôle des foyers. L’auteur dénonce les maltraitances qui ont lieu dans les foyers. Il cite par exemple un documentaire (il s’agit  de « Enfants placés : que fait la République ? » filmé en caméra cachée par S. Louvet et diffusé en janvier 2019 sur France 2) qui montre les coups d’oreillers sur le visage, les placages au sol, les claques ou la « chaise » qui ont lieu dans les foyers.
  • Enfin, Lyes Louffok insiste sur la nécessité de redonner à l’état la compétence de la protection de l’enfance. Cela permettrait de sortir des inégalités pour les enfants placés, en lien avec les différents budgets alloués, et cela redonnerait du poids aux parlementaires pour allouer plus de moyens à la protection de l’enfance.

Quelques chiffres qui m’ont plus particulièrement interpellée:

  • Dans les Hauts-de-Seine, 1/3 des dossiers ont « bénéficié » d’un placement à l’hôtel
  • Selon l’INED, 31% des filles et 13% des garçons dépendants de l’ASE sont victimes de violence sexuelles avant, pendant ou après leur placement.
  • Le temps d’attente pour écarter un enfant de sa famille est de plusieurs mois : 18 mois d’attente dans le Nord ou les Bouches du Rhône.
  • Une nuit dans un hôtel coûte 75 euros au département, contre 150 euros pour une nuit en foyer.
  • 20% des jeunes entre 16 et 25 ans vivent sous le seuil de pauvreté
  • 1/4 des SDF en France (300000 personnes en 2020 d’après la fondation Abbé Pierre) sont d’anciens enfants placés
  • 15% des enfants placés quittent l’école à 16 ans (contre 5.8% au même âge)

Comme je l’ai annoncé, les constats présentés dans le livre, et les propositions qui vont avec, sont trop denses pour tout retranscrire. Il faudrait parler des mineurs non accompagnés, du lien à faire avec les soins psychiques nécessaires pour améliorer les prises en charge des enfants placés, le parrainage / marrainage des enfants placés (www.france-parrainages.org) , le fait que des enfants de 6 ans vivent en foyer avec des adolescents de 17 ans, les visites médiatisées imposées et néfastes… Je vous invite donc à lire le livre pour en prendre pleinement connaissance.


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